Il en est de même lorsqu'elle revêt la peau de l'âne : c'est un miroir qui lui sert à déplorer sa transformation. Cette atemporalité ou abolition du temps, qui pour Demy évoque le fantastique[124], se retrouve également dans la musique, par laquelle Michel Legrand mêle Renaissance, jazz et dessins animés à la Disney, et dans les costumes, qui mêlent modes de Louis XV (pour la Princesse et la Reine bleue), d'Henri II (le Prince), du Moyen Âge (les valets) et toiles de Le Nain (les paysans)[30]. Peau d’Ane le roi se retire on ne verra plus dans le film sauf au dénouement, son âne banquier mort et sa fille disparue il n’est plus. Sa vivacité et surtout sa coquetterie semblent en partie héritées de l'adaptation du conte en vaudeville dans les années 1860-1870 : dans les deux œuvres, la Fée se plaint d'être surprise par sa filleule alors qu'elle n'a pas encore achevé sa toilette, puis lui conseille d'éviter les larmes pour préserver sa beauté[7]. En plus de ceux présents dans sa vie quotidienne comme le téléphone ou l'usage du concept de « piles », c'est elle qui donne le recueil de « poèmes des temps futurs » au Roi bleu ; elle se rend au mariage en hélicoptère ; et elle porte une coiffure à la Jean Harlow du style des années 1930[7], bien éloignée des perruques Louis XV des fées plus classiques[148], et elle trahit le modèle de moralité qu'elle est supposée incarner. Elle constitue de fait le personnage le plus subversif du film, surtout par rapport à son équivalent dans le conte : ici, c'est elle qui introduit les anachronismes. Le blanc de l'innocence et de l'harmonie, qui sacre la résolution de tous les conflits, nimbe tous les personnages à la fin : la Princesse et le Prince, unis dans le mariage, le Roi rouge et la Reine rouge, qui se réjouissent de voir leur fils guéri, et le Roi bleu et la Fée des lilas, nouvellement fiancés et au sujet desquels on devine que la tension amoureuse a été résolue. Cette inventivité se met le plus souvent au service d’une atmosphère très poétique pleine d’arbres fruitiers en fleurs, de colombes, de perroquets, de banquets en plein air, d’amants naviguant sur des barques fleuries, de plans montrant l’héroïne, cachée sous sa peau … Elle semble en fait mêler les caractéristiques de plusieurs femmes merveilleuses : à la fois fée marraine et prophétesse, puisque le Roi bleu loue sa « connaissance du futur », la Fée est un personnage en dehors du temps, peut-être perdue entre passé et futur, en tout cas dépendante de la foi que les hommes ont en elle[148],[n 21]. Le mariage de Peau d’Ane et du Prince. Elle se trouve au centre de ses réflexions. En comptant les restes des techniciens du tournage (cigarettes, Vérigoud), on arrive à 4 000 objets trouvés autour de la cabane[89]. Je me souviens de l’avoir doublée quatre ou cinq fois. Une frénésie s'empare alors de la population féminine, certaines allant même jusqu'à essayer des potions et autres concoctions réputées magiques dans l'espoir d'adapter leur doigt à la bonne taille (Le Massage des doigts). Le violet, associé à la fée des Lilas, obtenu en mélangeant le bleu et le rouge, agit comme tampon entre les deux royaumes : la fée est celle qui permet au crime incestueux de ne pas avoir lieu, dans un premier temps en venant en aide à la princesse car elle lui permet de s'enfuir, puis en calmant les ardeurs du roi en l'épousant[135].Le blanc, qui est le résultat de l'addition de toutes les couleurs du prisme, est ainsi également la couleur de transition et d'unification qui fait le lien entre les personnages, à l'image du carrosse argenté tiré par des chevaux blancs et rempli de plumes, qui mène la Princesse du royaume bleu au royaume rouge[43],[30],[10]. Jacques Perrin, le Prince, dira de ses expériences avec le cinéaste : « Tourner avec Demy, ce fut des moments de grâce, des moments de notre vie qu'on n'oublie pas. Il fait venir auprès de lui sa fille, qu'il avait rejetée depuis la mort de son épouse et qui s'était jusque-là divertie en chantant l'amour dans un jardin du palais (Amour, Amour). Ça n'avait pas de rapport avec le film lui-même, alors pourquoi en parler[31] ? Vous laurez compris, aujourdhui cest de si beau et si intemporel : Peau dÂne de Jacques Demy. Du coup ai… Peau d’âne est un film de 1970. Voir, « Les princesses d'abord, les duchesses ensuite, et les marquises, les comtesses et les baronnes derrière. Beaucoup de jeux avec les couleurs, avec différents royaumes, dans le rouge ou le bleu. Peau d’âne, c’est histoire d’un père qui a perdu sa femme et veut se marier avec sa fille. Jacques Demy, fascinated by Charles Perrault's fairy tale since childhood, was working on a script for the film as early as 1962. Les passions intimes sont refoulées : « tout n'est que rapports de force », estime Jean Douchet dans les Cahiers du cinéma, entre la brutalité du désir du Roi bleu, les manigances de la Fée marraine, la société moqueuse de la ferme, les caprices du Prince qui obtient ce qu'il veut, et la Peau d'âne-souillon qui commande à la Peau d'âne-princesse lors de la scène du cake. Rythme plutôt lent aujourd’hui. Marine Landrot de Télérama le définit pour l'occasion comme un « véritable enchantement[110] ». En effet, le réalisateur a su créer un conte intemporel. Le fidèle collaborateur de Demy, le décorateur Bernard Evein, a eu du mal à établir un devis, tant les éléments de comparaison manquent pour un film aussi inhabituel que Peau d'âne. [75]. Lorsque j’ai lu le scénario de Peau d’Âne, j’ai retrouvé les émotions de ma lecture d’enfance, la même simplicité, le même humour, et, pourquoi ne pas le dire, une certaine cruauté qui sourd généralement sous la neige tranquille des contes les plus féériques. The king promises his dying queen that after her death he will only marry a woman as beautiful and virtuous as she. "Peau d’âne" fête ce mercredi ses 50 ans. [...] Il fallait que je la réadapte. Il a été restauré en 2003 et en 2014 sous la houlette de la cinéaste Agnès Varda, compagne du réalisateur, et adapté sur scène en 2018 au théâtre Marigny. Rien de moins qu'une forme de savoir magique[94],[89],[95],[96] ». Pourquoi Peau d’âne ? 3) La reine demande que l’on aille chercher un gâteau confectionné par Peau d’âne. Ce n’est qu’à sa transformation en peau d’âne qu’on l’identifie en Peau d’Âne. D'autres anachronismes, tous liés à la Fée des lilas, émaillent le film : celle-ci évoque ainsi des « piles » pour le téléphone dont elle dispose chez elle et adopte des accoutrements peu médiévaux, comme des chaussures à hauts talons ou une coiffure typique des années 1930 à Hollywood, comportements qui ne manquent pas de surprendre la Princesse. Sorti en 1970, le film de Jacques Demy revisite le célèbre conte de Charles Perrault, en couleurs… et en musique. Ailleurs, le plan qui montre au spectateur le Prince s'approchant de face de la masure de Peau d'âne et se heurtant à une paroi invisible est très similaire au plan extrait du film Orphée (1950) dans lequel le poète, également joué par Jean Marais, se trouve incapable de traverser un miroir magique[7] ; ce même film partage avec Peau d'âne le motif du reflet de soi dans une mare, saisi par Jean Marais chez Cocteau et par Catherine Deneuve chez Demy[142]. Jacques aimait beaucoup ce conte[6]. Elle se montre ainsi active dans la poursuite du Prince, l'éblouissant d'un éclat lumineux et glissant délibérément sa bague dans le cake (ruse néanmoins déjà présente dans le conte)[146]. L'importance et la recherche d'une utilisation originale de la musique dans les projets à venir de Demy se précisent dès 1963. Plus ancien site communautaire de fans de #StarWars en France, www.StarWars-Universe.com vous informe en direct sur la saga ! Fille du Roi bleu et désormais orpheline de mère, la Princesse est la seule à correspondre aux critères que respecte son père pour trouver une nouvelle épouse. Peau d'âne (English: Donkey Skin) is a 1970 French musical film directed by Jacques Demy. Pour trouver un produit Peau D'âne au meilleur prix, c'est sur notre site qu'il faut vous rendre. Le 16 décembre 1970, Peau d’âne sortait au cinéma. Elle est en position de force par rapport aux héroïnes classiques et apparaît comme une figure de la transgression des règles du genre. » », « Quand j'ai écrit la scène où l'on voit Peau d'âne pétrir la pâte et chanter la chanson du. Mais ce rationalisme tient aussi d'une certaine naïveté, ce qu'illustrent les représentations au premier degré d'une vieille qui crache des crapauds « pour de vrai » ou encore des doigts que l'on mutile en cherchant à les amincir[68]. Le cake que réclame le Prince, utilisant le terme anglais désignant un gâteau, est l'un des nombreux exemples d'ambiguïté : d'aucuns choisissent d'y voir un space cake[88], pâtisserie contenant du cannabis que la famille Demy-Varda avait eu l'occasion d'expérimenter en Californie[10]. D'où ce constat amer de Demy, obligé de restreindre ses ambitions : « Au dernier moment, j'ai dû supprimer un figurant sur deux, un décor sur deux, un costume sur deux, pour pouvoir faire le film. 30005), dont est extrait un 45 tours comportant deux chansons interprétées en duo par Isabelle Aubret et Michel Legrand, Rêves secrets d’un prince et d’une princesse et Conseils de la Fée des lilas (disques Meys, réf. Du 8 au 11 décembre 2015, à la Comédie de Caen, à Hérouville (Calvados), le metteur en scène Jean-Michel Rabeux présente son adaptation de Peau d'âne, le conte de Charles Perrault. Demy lui-même, sans pousser l'exégèse, peut faire allusion à la thèse du psychanalyste Carl Jung[68] lorsqu'il place des idées identiques dans la bouche d'un personnage[n 23]. Le film s'achève sur les derniers vers du conte original : « Le conte de Peau d’Âne est difficile à croire, Alors on a fait tout ce qui fallait faire pour l’image et pour le son. Le château du Roi bleu apparaît comme une forteresse féodale imposante, tournée exclusivement vers la cour intérieure où la Princesse fait de la musique, tandis que celui du Prince paraît plus ouvert - le mariage prenant place à l'extérieur - et plus symétrique. […] Si bien qu'on peut dire de, « le film qu'on revoit pour la cent douzième fois », « la butte ordinaire de tous leurs quolibets et de tous leurs bons mots », « Les anciens ont écrit de fort belles choses, évidemment, mais... les poètes de demain devraient vous exalter davantage. Les critiques sont plus élogieuses : Andrée Tournès, du mensuel orienté vers les jeunes cinéphiles Jeune Cinéma, juge le film « précieux, mais pas mièvre : sans vulgarité, sans condescendance et recevant l’accueil qu’il mérite, attentif et un peu grave[78]. The prince of this kingdom spies her in her hut in the woods and falls in love with her. "Peau d’âne" fête ce mercredi ses 50 ans. », « Votre père n'a pas été très bien dans une affaire qui ne regarde que lui et moi. Sa compagne et collègue cinéaste Agnès Varda, qui était partie avec lui et l'avait accompagné dans son projet de film américain, explique plus tard ce choix par l'originalité de l'histoire (« C’est très bizarre, ce père qui veut épouser sa fille, qui s’obstine comme ça et elle qui se cache dans une peau d’âne. Le scénario est truffé de pièges. Une rose qui a le don de la parole, une marraine diseuse de bonne aventure, une vieille femme qui crache des crapauds... Autant de rôles qui participent à la magie de l'histoire. 6,328 talking about this. Le Prince demande alors à sa mère que celle que tous dénomment « Peau d'âne » lui prépare un gâteau. La version de Perrault date de 1693. L'iris, après voir isolé son visage, disparaît alors dans un écran vert : la Princesse va compléter sa métamorphose et prendre l'initiative ; lorsque la Reine rouge demande des informations sur la jeune fille à qui son fils a demandé la confection d'un gâteau. LES DECORS Décors somptueux et kitch à la fois Décors aux partis pris de coloriste, goût affirmé de l’esthétisme soigné et d’une volonté absolue de maîtrise Les deux acteurs donnent leur accord[n 2] mais le devis du projet est trop élevé pour un cinéaste alors presque inconnu[15]. Agnès Varda, épouse du réalisateur, vient souvent sur le tournage, de même que leur fille Rosalie, alors âgée de douze ans[10], qui obtient les faveurs des costumières et deux rôles de figuration, et héritera également du gros chat qui sert de trône au Roi bleu[48]. Pourtant, les interactions entre la Princesse et le Prince eux-mêmes sont peu romantiques[162] et semblent davantage relever d'un amour fraternel, en partie incestueux[10] ; et à la fin de l'histoire, au contraire de Perrault qui laisse les deux personnages se réjouir seuls du mariage de la Princesse, Jacques Demy fait du Roi bleu et de la Fée des lilas des amants. Peau d'âne, loin d'être le meilleur des films, est son plus important succès public avec plus de 2 millions de spectateurs en France et un succès répété lors des diffusions télé. 5) Toutes les femmes du royaume viennent pour essayer la bague. Voici donc Peau d'âne, «féerie musicale» et spectacle paradoxal, qui marque la réouverture du Théâtre Marigny. Ce même procédé est utilisé pour signifier le retour du printemps, lorsque l'écran laisse apparaître des branches bourgeonnantes[58]. Voilà cinq décennies que nous voyons donc ce film sur nos écrans, en comédie musicale… Les objets exhumés sont autant des fragments de décors ou de costumes (polystyrène, planches, fragments de miroir, perle bleue, strass) que des éléments techniques du tournage (tessons d'ampoules bleues utilisées par la scripte). La course de peau d’âne reste aussi un hommage au cinéaste: une fois habillée de la peau de bête la princesse, désormais nommée peau d'âne, s’enfuit de chez son père en courant, dans une scène filmée au ralenti qui rappelle la scène de l’arrivée de la jeune Belle au château de la Bête[réf. Voilà cinq décennies que nous voyons donc ce film sur nos écrans, en comédie musicale… Le triomphe des Demoiselles de Rochefort, en 1967, changera la donne. Parce qu’une Princesse refuse d’épouser son père. En plus de reprendre l'intrigue du Peau d'âne de Perrault, Demy emprunte aux autres histoires du conteur. Elle est affolée par la demande de son père de se marier avec elle. Peau d'Ane arrive et la bague lui va : ils se marient le prince et Peau d'Ane. Pour les masques d'animaux du Bal des chats et des oiseaux, Jacques Demy a en tête les travaux fantasmagoriques qui ont fortement influencé les surréalistes et Jean Cocteau, de l'artiste et décoratrice de théâtre Leonor Fini, qu'il a rencontrée en novembre 1969[18]. Dans Peau d'Ane, on retrouve un thème existant dans plusieurs de ses contes : le héros est handicapé au départ et souhaitera prendre sa revanche (Cendrillon, Le petit poucet). « Le conte de Peau d’Âne est peut-être difficile à croire. ». […] Si bien qu'on peut dire de Peau d'âme qu'il nous fait comprendre tout ensemble ce qu'est un conte, ce qu'est l'archéologie, ce qu'est l'histoire et ce qu'est l’œuvre d'un des plus grands cinéastes français. Le miroir, célébration de frivolité et de superficialité par laquelle on vérifie son apparence, apparaît notamment lorsque la Princesse rend visite à sa marraine, qui la réprimande pour l'interrompre dans sa toilette avant même qu'elle ne soit présentable.